Ali Yahya Abdennour a consacré une partie de sa vie au combat contre la domination coloniale en étant un militant du PPA-MTLD dès son jeune âge, et la deuxième partie, après l’indépendance, à défendre l’idée de droits de l’homme face à un régime autoritaire né après l’indépendance. Il avait rejoint le FLN dès sa création et, avec Aissat Idir, a participé à la création de l’UGTA. Durant cette phase, il a lutté pour que le peuple se libère de la domination étrangère qui niait l’existence de la nation. L’objectif du FLN historique était que l’Algérie rejoigne la communauté internationale en tant que nation souveraine. Cet objectif atteint, Ali Yahya Abdennour s’est consacré à un autre combat après l’indépendance, celui du respect des droits des citoyens. Ayant été ministre sous Ben Bella et Boumédiène, il a par deux fois démissionné pour protester contre des méthodes de gestion qui ne respectent ni la légalité ni les droits du citoyen.
Ali Yahya Abdennour est une conscience: il a très tôt vu, que comme il existe l’aliénation religieuse, il existe aussi l’aliénation politique. L’aliénation politique se manifeste chez des dirigeants qui parlent au nom du peuple et qui prétendent vouloir le bonheur du peuple tout en refusant la démocratie et en torturant des gens du peuple. Ali Yahya Abdennour a consacré la deuxième partie de sa vie à lutter contre cette aliénation. Il a semé des idées issues du patrimoine culturel local et de la culture universelle. Dans des discussions avec lui, il citait Mhand ou Mhand, Omar Ibn el Khattab et Montesquieu. Il avait prédit le hirak. Il me disait, quand je lui rendais visite à Alger: un jour, les générations montantes n’accepteront pas ce déni des droits de l’homme. Il ajoutait: « Si on ne respecte pas l’individu, quelque soient ses opinions politiques, on ne respecte pas tout le peuple. L’Etat ne défend pas le peuple; il défend les individus qui forment le peuple ». Ali Yahya Abdennour est un personnage fascinant par sa culture, par son passé, par son humilité et son honnêteté. Sous ce corps frêle, il y avait une volonté d’acier, intraitable sur le respect et la dignité d’autrui. Dans son modeste appartement du 4èm étage, il recevait aussi bien Said Sadi que Ali Belhadj, en proférant le même discours de tolérance et de démocratie. Pour bénéficier de son autorité morale, le régime a tout fait pour le corrompre mais il n’a pas pu. Lors d’une de mes visites, il m’avait dit ceci:
Zohra Drif est venue me voir et m’a dit que si Abdelkader voulait me rencontrer. Qui est si Abdelkader, je lui ai demandé? Elle répondit: le président Bouteflika. Alors je lui ait dit: écoute ma soeur Zohra, Bouteflika n’a rien à me dire et je n’ai rien à lui dire.
La tactique est connue: Bouteflika voulait lui dire que telle banque de l’Etat lui faisait un prêt non remboursable de 2 ou 3 milliards de centimes. Il a dit non aux privilèges que lui offrait le régime, ce même régime qui l’a persécuté.
Quand une société donne naissance à des hommes comme Ali Yahya Abdennour, elle possède les ressources idéologiques et morales pour construire l’Etat de droit respectueux des libertés des citoyens.