mai 18, 2021
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BIOGRAPHIE DE LA DÉFUNTE NASSIMA HABLAL, SECRÉTAIRE DU CCE. Par Dr Salim BENKHEDDA

le 14 mai 2013 nous quittait une des héroines de la révolution dans l’indifférence totale. Voici l article que je lui avait consacré. BIOGRAPHIE DE LA DÉFUNTE NASSIMA HABLAL, SECRÉTAIRE DU CCE.

Par Salim BENKHEDDA

Nassima Hablal (1927-2013)

Nassima Habla est Originaire de Mekla, commune natale d’Aissat Idir, Elle Est une des premières militantes du mouvement national. Elle était déjà dans les premières cellules de l’AFMA (organisation féminine du PPA) avec Mamia Chentouf, El Haffaf Salima, Malika Mefti Sidi Moussa et Fatima Zekkal. Elles ramassaient des cotisations auprès des familles aisées, distribuaient la presse du PPA et organisaient des activités culturelles patriotiques.

Au tout début de la Révolution, elle est en contact avec Abane Ramdane Amara Rachid puis Benyoucef Benkhedda et Aissat Idir . C’était la secrétaire du CCE . Elle s’occupa au début des travaux de propagande. Elle s’occupait des tracts qu’elle tapait au début chez elle et qu’elle allait tirer chez les Européens qui soutenaient le FLN, notamment dans des locaux du presbytère et chez les pères blancs à côté de Sidi Abderrahmane. Elle a assuré le secrétariat du CCE après le congrès de la Soummam.

Elle est arrêtée une première fois en avril 1955 sans que l’on trouve des éléments à charge, en raison de son adresse qui a été retrouvée sur Amara Rachid lors de son arrestation. Libérée, elle est permanente à l’UGTA où elle assurait la frappe du journal El Moudjahid qui était volumineux ainsi que celle de l’organe syndical, L’ouvrier algérien.

Elle est arrêtée le 21 février 1957. Elle a fait alors la tournée des centres de tortures : la caserne d’Hussein Dey, El Biar, villa Sésini, Serkaji, El Harrach.

Elle a été sauvagement torturée par les paras de Massu Salima El haffaf se souvient : « les géoliers l’avaient ramené dans une cellule en face de moi » moi je dormais à même le couloir, le géolier m’avait demandé de l’aider à mettre ses chaussures. quand je suis rentré dans la cellule je l’ai vu dans un état pitoyable exténuée par des jours de tortures, on a fait semblant de ne pas se connaitre, je l’ai aidé à mettre ses chaussures son corps était plein de sévices de tout genre… je ne l’ai plus revue jusqu’à l’indépendance »

Nassima decrit son supplice dans un interview au journal Elwatan: c’était le 21 février 1957. Le CCE est sorti après l’arrestation et l’assassinat de Si Larbi. Je suis restée dans les centres de torture jusqu’au mois d’avril. J’en ai fait sept. J’ai d’abord fait la caserne des bérets bleus à Hussein Dey. C’est là que le supplice a commencé (soupir). De 11h jusqu’à 6h, j’étais pendue au plafond la tête en bas, l’électricité… les électrodes… les bidons d’eau… toute la panoplie qu’ils avaient en tête. Mes bras étaient paralysés… des nerfs sectionnés… des muscles distendus… tuméfiée… terrifiée… et cette atroce douleur qui tenaillait mon dos. La séance a duré six heures. Ils m’ont massacrée. Ensuite, ils ont commencé à m’interroger. J’ai alors déliré, j’ai raconté des histoires. N’importe quoi. Je n’avais pas parlé de Abane. J’ai en revanche parlé de Amara Rachid que je savais mort au maquis depuis quelques mois déjà. Nous étions deux ou trois femmes.

Et parmi nous une petite française qui était l’épouse de Mourad Castel. Toute la nuit, à côté, j’ai entendu torturer des hommes. Le lendemain matin, ils m’ont emmenée en voiture. Ils ont essayé la méthode douce en disant : « Si tu parles nous allons t’envoyer en Espagne et personne ne saura que tu as dit quelque chose. » Au retour de « la balade en voiture », j’ai vu un spectacle hallucinant. Sur le sol mouillé étaient allongés une dizaine d’hommes qui, toute la nuit, avaient subi le supplice de la baignoire et de l’électricité, et que des tortionnaires brûlaient au fer rouge. J’ai poussé un hurlement. Cela se passait dans une ferme à Bakallem. Parce qu’entre-temps on m’a transférée de la caserne vers une ferme poétiquement baptisée Ferme des orangers. J’y ai passé deux ou trois nuits et puis de nouveau transférée, vers El Biar cette fois. Là ou était Ben M’hidi. J’y ai rencontré Me Mahieddine Djender ainsi que son beau-frère, Ousmer, un policier qui avait été arrêté. Curieusement, ils ne m’ont pas interrogée sur Abane. Ils m’ont plutôt cuisinée sur Ben Khedda. « Où l’as-tu vu pour la dernière fois ? », me harcelaient-ils. « Tu ne connais pas un certain Ben M’hidi, collecteur de fonds ? ». J’étais à cent lieues de penser qu’il s’agissait de Si Larbi. Il y avait Massu et Bigeard. « C’est pas du travail ce qu’ils t’ont fait là. Ils t’ont laissé des traces. Nous, nous avons d’autres moyens. Les Russes l’ont fait, les Américains aussi, pourquoi ne le ferait-on pas ? » Il fallait comprendre qu’ils allaient m’injecter du sérum de vérité. Me piquer au Penthotal.

A El Biar, je suis restée deux ou trois jours, puis ils m’ont emmenée à la Villa Susini. Pour l’anecdote, lorsque j’étais petite, en passant devant cette magnifique bâtisse qui domine Alger, bâtisse aujourd’hui sinistre parmi les plus sinistres, s’il en est, je rêvais et me voyais dans cette maison comme une princesse dans un palais. Triste princesse, effroyable palais ! Lorsque on m’a enlevé le bandeau qui masquait mes yeux à mon arrivée je découvrais Feldmayer, le tortionnaire de service. Une espèce de singe géant avec des mains énormes. On m’a allongée dans une pièce, je ne savais pas où je me trouvais. Puis est entré le capitaine Folques, le maître de cérémonie, le grand patron. Il a défait mon bandeau et m’a dit : « Oh tu as un grand nez », voulant peut-être me complexer. Le pauvre, il ne savait pas combien j’étais fière de mon nez chérifien. Je trouvais dans cette cave une femme qui venait de passer par une séance, elle hoquetait. Ils venaient probablement de lui faire avaler de l’eau. C’était Denise Valbert, une française de gauche, professeur à l’université. A un moment donné, ils m’ont encore bandé les yeux et j’entendais : « Où est Audin ! Où est Maurice Audin ? » Ils avaient ramené un jeune militaire, le frère de Maurice Audin, qu’ils interrogeaient. Il y avait également Basta Ali, que je n’ai pas vu mais que j’entendais répéter « Basta ! je m’appelle Ali Basta ! » ainsi pendant deux ou trois jours.

J’y ai aussi reconnu Handjeritt, un membre du réseau de Sidi M’hamed et beaucoup d’autres, comme Salima Belhaffaf, l’épouse de Ben Khedda, il y a eu Nelly Forget, une Française de gauche qui travaillait avec nous, il y avait aussi Fatima Benosmane. On m’avait entravée avec des menottes, mais malgré cela, il y avait un soldat armé qui me surveillait. Je dépérissais et étais considérablement amaigrie. Un matin vers 6h, je remarquais que le soldat qui assurait ma garde ne portait pas d’arme. C’était un nouveau. Je lui ai demandé la permission de me rendre aux toilettes. Il ne connaissait pas où elles se trouvaient. Alors je l’ai fait sortir dans le jardin. J’ai été derrière un fourré et me suis dissimulée. Lorsque j’ai baissé les mains les menottes ont glissé de mes poignets. D’où l’idée de m’évader. Alors je me retourne et je me jette du haut de l’espèce de ravin situé en bas de la villa mais comme il y avait des fils de fer barbelés, ils ont amorti ma chute et m’ont empêchée d’aller plus loin. J’ai été reprise. »

A son procès, elle est condamnée à cinq ans. Après El Harrach, elle est transférée en France où elle fait la Roquette, puis les prisons de Rennes et de Pau. Dans ce dernier établissement, elle bénéficie avec Nelly Forget de quelques mesures d’assouplissement après interventions de Germaine Tillon. Elle obtint de se rendre à Paris où elle arrive à contacter Abderrahmane Farès qui l’aide à se rendre en Tunisie en l’accompagnant lui-même dans sa voiture jusqu’en Suisse. A Tunis, elle insiste auprès de M’hamed Yazid et elle est envoyée à Rocher Noir (Boumerdès) où l’exécutif provisoire venait de s’installer.

Après l’indépendance en dépit du poids des années, Nassima Hablal avait gardé ses souvenirs bien enfouis dans sa mémoire. Elle faisait peu d’apparition en publique En Novembre 2011 elle passe des moments difficiles avec la perte tragique de son fils unique Youcef.

Le décès de la secrétaire du CCE est passée sous silence la défunte est inhumée dans l’après midi du 14 mai 2013 au cimetière de Birkhadem. Cette héroïne n’aura pas droit de citer dans la presse « nationale » et encore moins à des funérailles officielles.
Qu’Allah Accorde sa miséricorde à ce corps frêle qui était habitée par une âme de militante à l’engagement sans faille. Une militante qui s’est formée aux côtés de gens désintéressés et dont le seul but était de libérer le pays.

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