Annie Mecili. Veuve d’Ali Mecili, avocat et dirigeant du FFS : «Nous attendrons l’avènement d’un Etat de droit en Algérie pour que justice soit rendue à Me Ali Mecili»
Samir G., El Watan, 07 avril 2021
Allez-vous organiser la cérémonie annuelle du 7 avril commémorant l’assassinat de Me Ali Mecili eu égard à la situation sanitaire lié à la Covid-19 ?
Non, nous n’organiserons pas de cérémonie cette année, et cela évidemment en raison de la pandémie. Nous le regrettons. C’est toujours un moment de partage autour de la mémoire d’Ali qui nous touche beaucoup. Songez que depuis 34 ans, toujours aussi nombreux, nous nous donnons rendez-vous au cimetière parisien du Père Lachaise pour commémorer la date du 7 avril.
Donc, des regrets, oui, bien sûr, mais chacun d’entre nous en France et en Algérie a aussi des raisons de se féliciter. Grâce à notre fidélité et à notre persévérance, Ali est toujours vivant, son combat politique poursuivi par le hirak l’est aussi et c’est là l’essentiel.
Comme disait Hocine Aït Ahmed, «Là où des hommes vivent, souffrent et résistent de toutes les forces qu’ils arrivent à soustraire à la domination et à l’humiliation, l’esprit d’Ali est là». Le message est passé, la transmission s’est opérée et aujourd’hui les Algériens dans les manifestations brandissent leurs portraits à tous les deux.
De l’autre côté de la Méditerranée, le FFS inaugurera une stèle à l’effigie de feu Mecili au niveau du siège national du parti à Alger. Quel est votre sentiment par rapport à cet hommage ?
Un sentiment de réconfort et de gratitude. Le FFS a toujours été à nos côtés, fidèle à la mémoire d’Ali. J’en remercie tous les militants. Ils ont cet immense privilège d’appartenir à une organisation ayant compté en son sein deux hommes d’exception tels que Hocine Aït Ahmed et Ali Mecili. Deux hommes rares qui montrent le chemin à suivre et dont il faut s’inspirer à tout moment.
En parlant de l’affaire Mecili, où en est-on sur le plan juridique, notamment depuis le recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme ?
Nous avons exercé tous les recours prévus, que ce soit en France ou en Europe. Le dernier, en date du 26 mai 2017, a été le recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme dont le fonctionnement nous a beaucoup déçus. Nous reprochions entre autres à l’Etat français l’expulsion de l’assassin présumé, en «urgence absolue», vers l’Algérie dès le mois de juin 1987.
La marche de la justice en sera durablement entravée et l’impunité du régime algérien assurée. Cette expulsion a donc violé notre droit à un procès équitable, visé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. La décision de la Cour dit en résumé que «les faits dénoncés ne révèlent aucune apparence de violation des droits et libertés énumérés dans la Convention.
Il s’ensuit que ces allégations sont manifestement mal fondées», et notre requête a été ainsi déclarée «irrecevable». La motivation d’une telle décision de cette Cour, qui a siégé en formation de juge unique, le 14 septembre 2017, a été des plus succinctes et aucun appel n’est permis. D’où notre déception quant à son mode de fonctionnement.
Alors, quelles sont les démarches que vous entreprenez actuellement pour éventuellement faire rouvrir le dossier en France ?
Aucune démarche ne peut être entreprise pour l’instant. Le dossier ne pourra être rouvert qu’en cas de découverte de nouveaux éléments.
Pour faire cesser cette impunité, vous écrivez aux Présidents français successifs depuis 1987, tant la raison d’Etat a semblé évidente dès le début de l’affaire. Dans ce sens, envisagez-vous d’interpeller un jour directement les autorités algériennes ?
Ce sont les autorités algériennes qui ont commandité le crime et conforté l’impunité en refusant d’exécuter les commissions rogatoires internationales adressées par la France à l’Algérie. Aujourd’hui, même si les visages ont changé, le système demeure. Je ne les interpellerai donc pas.
J’ai toujours en tête les paroles de Hocine Aït Ahmed : «Ali retissait les liens que la domination travaillait à rompre de manière à jeter les hommes comme des chiens les uns contre les autres. Une domination qui avait le hideux visage colonial ou les traits de l’autoritarisme mafieux, ou encore ceux des manipulations barbouzardes».
Tout est dit. Le peuple algérien est en lutte pour recouvrer une indépendance pour laquelle il a combattu et qui lui a été confisquée, nous attendrons l’avènement d’un Etat de droit en Algérie pour que justice soit rendue à Me Ali Mecili. Le hirak nous a donné de l’espoir. Nous avons confiance dans les forces du peuple algérien.