Billet_politique du 2 décembre 2024
J’ai accompli ce matin l’obligation de signature sur le registre de mon contrôle judiciaire.
Comme chaque semaine, je m’emploie à publier un texte commentant l’actualité. Cette fois, je consacre mon billet politique à l’ «inattendue » démission du président de l’ANIE (Autorit Nationale Indépendante des Elections).
En effet, le 27 novembre dernier, un décret présidentiel, portant le numéro 378-24, annonça la fin de fonction du président de la haute instance indépendante des élections M. Cheurfi Mohamed.
Bien que le décret invoque des raisons de santé, il semble bien que M. CHEURFI a préféré jeter l’éponge plutôt que d’être jeté en pâture. Il le savait bien : des couteaux commençaient à s’aiguiser contre lui et qu’il allait être présenté comme le bouc émissaire d’une élection qui a tourné au fiasco. Au-delà des chiffres, ce fiasco est d’abord politique. Il s’agit d’un désaveu franc, cinglant et sans appel du peuple Algérien au pouvoir dans sa globalité, y compris à la fausse opposition qui a été incluse dans ce jeu de dupes.
Qui des citoyens Algériens n’a pas compris que le scrutin dans sa totalité a été concocté à l’effet de donner un semblant de légitimité à un pouvoir qui n’a pas encore digéré l’affront qui lui a été infligé par des millions d’Algériens qui l’avaient décrié en exprimant clairement son rejet durant deux années de manifestations pacifiques dans un mouvement historique : LE HIRAK ? Un Hirak qui continue de hanter encore de nos jours les décideurs politiques qui se savent vaincus politiquement et qui tentent de survivre par les mensonges, les manipulations et la peur.
Bien que Mohamed CHEURFI soit un produit du système, sa nomination à la tête de l’instance électorale a été décidée par l’ancien chef d’Etat-major Ahmed Gaid Salah, selon ses propres aveux, et sa démission constitue un autre tournant dans la façon dont vont se dérouler les prochaines élections. D’évidence, son remplaçant qui sera désigné à ce poste se sait à l’avance sous la loupe. Il se doit d’obéir à l’œil et aux doigts des vrais décideurs et des grands électeurs !
Le décret 378-24 est la suite logique du communiqué signé en commun par les trois directoires de campagnes des candidats, lesquels candidats avaient été choisis et sélectionnés par M. Mohamed CHEURFI lui-même en qualité de président de l’ANIE. Il s’agissait alors de limiter les candidatures et ne laisser que les «3» agréés en haut lieu, histoire d’éviter d’encombrer les débats !
Si aujourd’hui les uns se frottent déjà les mains, en considérant l’éviction de Cheurfi comme un signe probant de la prochaine dissolution de l’APN, dans l’espoir d’obtenir quelques sièges du quota promis, les autres, en revanche, rodés aux arcanes internes du pouvoir se préparent à la grande bataille de succession et des recompositions politiques en perspective.
Le fait même que les uns et les autres aient apporté leur caution à la scandaleuse révision des chiffres des élections par la Cour constitutionnelle -qui a d’ailleurs agi en dehors de ses compétences et de ses attributions-, a non seulement mis à nu le système, mais a mis fin à l’ « illusion démocratique » dans sa version institutionnelle actuelle. Autant du côté du pouvoir qui, toute honte bue, transfère illégalement les compétences d’une institution à une autre pour ses propres besoins politiciens et autant du côté de l’opposition, censée à la fois veiller au respect des principes démocratiques dont elle se réclame en assumant son rôle de contre –pouvoir, une de ses missions, la faillite est consommée et la responsabilité incombe entièrement au pouvoir, à ses courtisans et à ses supplétifs.
Désormais, se réclamer de l’opposition induit des positions politiques claires envers le pouvoir et ses pratiques. La démocratie ne doit plus servir de slogan ou de tremplin électoral. Elle doit être assumée pleinement avec l’ensemble de ses valeurs et de ses exigences.
Dans une société soumise à la loi de la terreur et faute de libertés, le problème n’est pas tant dans le fait que l’opposition participe à une élection. Il est dans le droit du citoyen à exercer librement son choix et ses libertés publiques. La peur empêche naturellement le citoyen de livrer son opinion politique intime et le contraint à chaque fois d’adapter son attitude et ses opinions. Lorsqu’un candidat est lui-même escorté et éloigné de la population et que l’assistance « choisie et autorisée » à accéder aux lieux du déroulement de la campagne est filtrée d’avance et l’entrée est conditionnée par la présentation d’une invitation, dès lors ce candidat est libre de faire son cinéma et de dire ce qu’il veut !
Un système politique qui dépouille les citoyens de leurs libertés, soumet la société à la peur et l’oblige à se soumettre à des œillères politiques et idéologiques n’a aucun avenir. Il est condamné à l’usure et porte en lui-même les germes de sa propre destruction. Sans la volonté du peuple et sans une véritable participation citoyenne à la vie politique et institutionnelle, le système est condamné et son effondrement est inéluctable ! C’est une question de temps.
Notre défi aujourd’hui est d’éviter que l’effondrement de ce système entraine avec lui l’Algérie.
Personnellement, je reste persuadé que sans un vrai management des compétences, sans une ouverture politique réelle et une restitution intégrale des libertés aux algériennes et Algériens, notre pays sombrera dans une crise encore plus profonde et plus complexe. Continuer de confier les responsabilités de l’Etat à cette engeance de politicards incultes, à ces gérontocrates dépassés par le temps, à ces opportunistes sans scrupules et à ces courtisans aux appétits voraces, c’est enfoncer le pays dans l’abime et le condamner à évoluer en dehors de l’Histoire.
Mon soutien indéfectible pour l’ensemble des détenus d’opinions
Gloire à nos martyrs
Karim_Tabbou
Alger, lundi 2 décembre 2024