Ait Benali Boubekeur @Facebook 30/07/2020
La reprise du phénomène de harraga est avant tout un signe de désespoir. Bien que certaines personnes essaient de trouver des arguments pour le réduire à la simple recherche d’une vie meilleure, il n’en reste pas moins que l’absence de perspective dans le pays pousse les jeunes à affronter la mort afin de s’extirper du marasme qu’ils vivent.
Bien entendu, ce marasme, encore une fois, n’est pas lié à la crise économique endémique. Et même lorsque la situation financière du pays était favorable, le phénomène de harraga ne s’est pas estompé. Cela dit, quand les caisses de l’État sont pleines, le régime se les partage entre les membres du clan. Même si les partisans de « la nouvelle Algérie » font semblant de ne rien savoir à l’époque, ils étaient autant responsables que ceux qui sont actuellement en prison pour les crimes économiques.
Mais, comme le dit le proverbe « à quelques choses malheur est bon », cette gestion chaotique du pays a permis aux Algériens de retrouver leur cohésion, au sein du hirak, en faisant échec au système Bouteflika de se maintenir et ensuite en menant un combat sans concession contre le reste de son clan. Cette unité d’action a créé un vent d’espoir jamais vu depuis l’indépendance.
Comment peut-on mesurer cet espoir ? De février 2019 à juillet 2020, l’Algérie n’enregistre plus de départ clandestin de ses enfants dans des embarcations de fortune. Le hirak a donc bien suscité l’espoir de rester et de construire le pays.
Hélas, la crise sanitaire a poussé les citoyens à suspendre le hirak. Profitant de cette pause, le régime se refait une santé sécuritaire. Combien de jeunes sont emprisonnés depuis le début de la pandémie pour des publications sur les réseaux sociaux ? Chaque jour apporte son lot de convocations, d’arrestations, etc.
De la même manière, la gestion approximative de la crise sanitaire n’est pas de nature à apaiser les esprits. En effet, au discours culpabilisateur du régime, le citoyen est désarçonné. Comment le citoyen peut-il rester confiné si les autorités ne mettent pas à sa disposition le minimum vital à sa survie ? En tout cas, le citoyen n’est pas bête comme le prétendent les dirigeants. Il sait que le confinement en Europe a cassé la chaine de transmission du virus, car les gouvernements ont garanti les besoins essentiels de leurs concitoyens.
Pour conclure, il va de soi que la crise sanitaire ne peut pas expliquer à elle seule la reprise du phénomène de harraga. D’autres pays vivent la même crise. En Algérie, le plus grand drame est la crise de confiance. Il s’agit de la confiance du peuple en ses capacités de changer les choses. Ce qui explique l’arrêt de ce phénomène depuis février 2019.
En reprenant ses forces grâce à la crise sanitaire, le régime parait assez fort pour empêcher toute velléité de changement. En ce sens, les pessimistes n’ont pas tort. Si le régime reprend le contrôle de la rue, le pays sera plongé dans une ère semblable à celle de Bouteflika ou carrément la poursuite pure et simple du règne de Bouteflika. Ce qui pousserait certains à jeter l’éponge. Mais, en voulant partir, ils mettent leur vie en danger sans être sûrs de retrouver la sérénité ailleurs.