Par Natalia Dembinskaya fr.sputniknews.com 15.11.2019
Depuis le début de l’année, plusieurs dizaines de compagnies américaines ont quitté le marché du schiste: les investisseurs, qui n’ont pas réussi à amortir leurs frais, placent de moins en moins d’argent dans ce secteur.
L’annonce de la faillite imminente de l’un des pionniers de la révolution de schiste, Chesapeake Energy, a suscité des inquiétudes.
Le gaz bon marché
Les investisseurs ont été pétrifiés par le rapport trimestriel de Chesapeake Energy, deuxième plus grand producteur de gaz aux États-Unis. Les pertes nettes de la compagnie ont atteint 101 millions de dollars, ce qui a dépassé toutes les attentes du marché.
De plus, Chesapeake a averti la Securities and Exchange Commission (SEC) que si le cours du pétrole et du gaz n’augmentait pas, en début d’année prochaine déjà la compagnie annoncerait un défaut de paiement sur ses obligations.
«Dans cette situation nous avons de sérieux doutes quant à la possibilité de poursuivre le travail en tant qu’entreprise viable», a noté Chesapeake. Les actions de la compagnie ont immédiatement chuté de presque 30% pour atteindre leur minimum depuis 25 ans. Sa capitalisation actuelle dépasse à peine 1,3 milliard de dollars, soit 40 fois moins qu’au moment du pic de la révolution de schiste en 2008.
La société était dirigée à l’époque par Aubrey McClendon, l’un des pionniers de la révolution de schiste. Il s’est tué en 2016 dans un accident de voiture, et la nouvelle direction a mis le cap sur l’élargissement de l’entreprise en achetant les compagnies produisant du pétrole de schiste.
Toutes ces compagnies étaient accablées par d’immenses dettes, et quand fin 2018 le baril a chuté de 40% (de 75 à 45 dollars), Chesapeake a rencontré de sérieux problèmes pour honorer ces dernières. Et à présent les dettes de la compagnie dépassent sept fois sa valeur marchande.
Le combat sans succès de Chesapeake contre les prix bas du pétrole et du gaz, couplé à la baisse de la production après la vente forcée d’une partie des actifs, est un autre exemple du problème que posent les compagnies pétrolières et gazières aux investisseurs, constate Bloomberg.
Ascension du secteur de schiste US
Cette année, 26 producteurs ont fait faillite dans le secteur pétrolier et gazier aux États-Unis, notamment de grandes compagnies comme Sanchez Energy Corp., Halcon Resources Corp., Bristow Group, PHI, Jones Energy et Rex Energy. Un autre grand fournisseur de services dans le secteur du forage, Weatherford International, a récemment annoncé qu’il préparait la procédure de dépôt de bilan.
Ces compagnies non viables dévoilent la face cachée du boom de schiste: les producteurs avec des frais élevés et un mauvais bilan n’attirent pas vraiment les investisseurs, qui s’intéressent avant tout au profit et non au développement de la production, souligne Bloomberg.
Les analystes de l’agence soulignent que l’ascension fulgurante du secteur de schiste américain a été en même temps sa malédiction. L’accès aux nouvelles réserves de gaz a provoqué un excès d’offre, ce qui a entraîné une chute des cours. Et si en 2005 le gaz valait 16 dollars par million de BTU, la révolution de schiste a fait chuter ce prix à moins de 3 dollars.
Selon un pronostic d’IHS Markit, les immenses réserves de gaz aux États-Unis continueront de faire pression sur les prix et le cours devrait atteindre en moyenne 1,92 dollar par million de BTU en 2020. L’Agence internationale de l’énergie pense que les producteurs de schiste traversent une période extrêmement difficile. Selon l’AIE, la vague de faillites se poursuivra dans le secteur car dans quelques mois le marché mondial du pétrole sera confronté à un excès de l’offre comparable à 2014-2015.
A l’époque, le développement des technologies et les prix élevés du baril avaient entraîné une explosion des investissements dans la production pétrolière de schiste. Mais en 2015, le baril avait brutalement chuté et plus de cent compagnies, affichant une dette totale de 70 milliards de dollars, avaient fait faillite.
La situation se reproduit: les producteurs de schiste accumulent des dettes, sans que de nouveaux investissements ne soient prévus. L’an dernier, les banques et les fonds d’investissement ont investi deux fois moins d’argent dans ce secteur qu’en 2017. Les analystes de la grande banque d’investissement américaine Goldman Sachs pensent que d’ici 2025 le schiste perdra son sens économique.
Autre tendance: les compagnies réduisent non seulement la production, mais également les investissements de capitaux. Ainsi, Diamondback Energy Inc., Callon Petroleum Co. et Cimarex Energy Co., qui travaillent activement sur le gisement de schiste du Bassin permien, ont averti les investisseurs qu’elles n’avaient pas l’intention d’augmenter les placements de capitaux l’an prochain. Chesapeake Energy et EQT Corp ont annoncé la réduction de la production dans l’espoir que les prix augmentent à terme.
«Je ne pense pas que les pays de l’Opep doivent continuer de s’inquiéter concernant une éventuelle augmentation de la production de pétrole de schiste à long terme», a déclaré aux investisseurs Scott Sheffield, directeur général de la plus grande compagnie de schiste, Pioneer Natural Resources Co.
Photo © AFP 2019 ANDY BUCHANAN