La dictature se réinstalle doucement
Par Mustapha Benfodil in Facebook 15 avril 2019
La dictature se réinstalle doucement, tranquillement, comme si elle était juste partie aux toilettes et qu’elle est revenue reprendre sa place le plus normalement du monde, reprendre ses gestes, ses mœurs, ses habitudes, ses mots, sa langue, son droit de vie et de mort sur nos corps…. Le système se restaure doucement, tranquillement, comme si le calendrier s’était arrêté au 21 février, comme si nos vendredis tsunamiques étaient une fiction, et que nous sommes tous une fiction, et que nous n’avons jamais existé, que toute ressemblance avec une révolution réelle n’est qu’une série hebdomadaire sur Netflix, et que nous ne faisons même pas partie de leur décor, et que nous étions toujours dans le temps bouteflikien, le temps bouteflikien sans Bouteflika, le temps bouteflikien avec sa bouteflicaille, ses vieux démons, ses larrons, ses matons, ses souteneurs et ses chiens de garde…
Et le vieux monde, la vieille dictature acariâtre et chafouine qui reprend sa place, oui, ses mœurs, ses mauvais réflexes, ses habitudes crasses, comme si de rien n’était… Vieille dictature impénitente, cette vieille bête adipeuse, ce cadavre pantelant, qui remue encore, qui se régénère, l’air de rien, se redéploie, un bras, une jambe, un flic, une place, une place publique, un fourgon de police, des camarades dans le fourgon, un commissariat, et le geste, le geste de trop, de ceux qui soulèvent un pays et sortent l’Histoire de ses gonds…
Ils se disent qu’ils peuvent taper comme il veulent, nous foutre à poil dans les commissariats comme ils veulent, nous gazer comme il veulent, balancer des lacrymos dans le Ghar Hirak en toute impunité, embarquer à tour de bras des copains à la place Maurice-Audin, à la Grande-Poste, à la Place du 1er Mai, à la Place Emir-Abdelkader, à Bab-El-Oued, à Sahat Echouhada… Rien que la prononciation de ces noms donne la chair de poule et eux, de marbre, imperturbables, rien à foutre de nos chouhada, de nos combats, ni du 22 ni de 62 ni du 05 Octobre ni du 05 Juillet !…
Mais vous savez quoi ? Bientôt, tous les camions de police qui tiennent Alger en respect dehors ne vont pas suffire parce que nous serons des millions sur nos places, mon général ! Oui, des millions de voix, M. Gaïd Salah ! des millions de cœurs, des millions de pieds, des millions de mains étrangères à votre géographie crispée ! Nous ferons le siège de vos nuits, et chacun de nos cris sera plus strident, plus tonitruant, que tous vos NIMR, vos engins sonores et vos armes bavardes ; nos cris Monsieur viennent de très loin, ils remontent des tréfonds de la nuit coloniale ; ce sont des cris qui viennent de Serkadji, les cris de Zabana, d’Yveton, de Djamila Bouhired, de Louisette Ighilahriz, de Bachir Hadj Ali…
Ce sont les cris du peuple algérien Mon général, vous le connaissez ? Oui, Son Excellence le Peuple algérien, source de tout pouvoir, de tous les mouvements de libération nationale…
Démissionnez ! Démissionnez tous ! Partez ! Disparaissez !, avant que cette lave vous emporte, vous emporte tous, avec vos troupes, vos cohortes de flics, vos matraques, vos camions-béliers, vos mots belliqueux, vos speechs insipides et vos élections bidon… #SILMIYA