juin 7, 2019
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LA LIBERTÉ DE L’UN COMMENCE LÀ OU ELLE LIBÈRE L’AUTRE

A tous les prisonniers d’opinions.
A nos frères soudanais, lâchement assassinés pour avoir osé vivre.
A toutes les révolutions de la liberté , de la dignité et du progrès.

“La liberté de l’un s’arrête là où commence celle de l’autre”, et l’esclavage moderne commence dès que ce refrain planétaire aussi célèbre que “i shot the sheriff” vous reste en tête. Chaque fois qu’il est question de liberté on a droit à cette rengaine quelles que soient les tendances , religions, cultures ou obédiences.
Elle est devenue l’apanage de ceux qui ne connaissent de la liberté que le nom, la rue ou la place. Une définition réductrice et mainstream de la quantité, et surtout de la qualité de liberté consentie aux peuples du monde.
Cette maxime culte du siècle des “lumières” obscurcit aujourd’hui, plus qu’elle n’éclaire la liberté en ce début de 21eme siècle. Elle réduit la notion de liberté à sa stricte dimension individuelle et personnelle, s’exerçant essentiellement entre quatre murs, en cercle fermé ou à huis clos, coupée du collectif. 
Les lumières d’antan ne suffisent manifestement plus à la clareté d’aujourd’hui, ou peut être sont-elles dirigées de manière à éblouir et aveugler .
Quant à ce qu’on définit faussement comme liberté à notre époque , c’est à dire tout un panel de produits et de services parfumés aux senteurs d’évasion, mis à la disposition d’une humanité carcéralisée dans son développement dogmatique, ne sont que des placebos ou des libertés consommables, jetables, à obsolescence programmée. 
De fausses petites statuettes de la liberté aux flambeaux éteints, qui finissent en trophées sans gloire sur les étagères poussiéreuses de nos souvenirs d’escapades. Comme si nos moments de liberté nécessitaient un système de marquage mémoriel, preuve de nos affranchissements éphémères, et surtout, de notre servitude continuelle, consentie et normalisée. Si nous gravons ainsi nos moments de liberté c’est que nous ne sommes que rarement libres dans les faits. 
En effet, la plupart du temps, nous nous contentons de “petites libertés” que nous nous payons avec nos “petits salaires” sans déranger personne et surtout sans être dérangés.
Nos libertés (individuelles) sont liées à nos ressources respectives. Nous nous payons des libertés comme nous nous offrons des vacances.
La liberté serait-elle une sorte de week end à la mer pour décompresser? assurément non! C’est la liberté qui part se reposer loin et pour longtemps quand on l’indexe au pouvoir d’achat et qu’elle devient une valeur marchande. 
lorsque liberté devient synonyme de propriété privée, donc individuelle par essence , chacun défend son domaine d’acquisition au détriment de l’espace de liberté collective qui devient de facto, secondaire, confus, voire menaçant.

Notre rapport prostitutionnel à la liberté.

La profusion de libertés individuelles marchandisées donne une fausse impression de liberté collective. Le choix des produits et services disponibles est un facteur déterminant de cet illusionnisme. Nous sommes absorbés par les mêmes objets mais avec des projections intellectuelles distinctes.
On se prend au jeu compulsif des choix individuels facultatifs et ponctuels en omettant notre besoin primordial de libertés citoyennes effectives.
Comme dans une maison close Les clients même nombreux, ne communiquent pas. Ils payent pour le même plaisir et s’enferment avec leurs partenaires respectives. Ils se cachent les uns des autres dans un jeu macabre et sans vainqueur puis, en ressortent apaisés pour un temps, jusqu’à la prochaine paye qui cette fois là, créera le besoin par le renouvellement du pouvoir d’achat. Il est indéniable que l’attrait des maisons closes (les libertés marchandisées) est grand mais ces dernières, loin de guérir les frustrations, les décuplent et les transforment en besoin et en biens de consommation légitimes et normés. Il est plus que grand temps de se désintoxiquer de “l’amour artificiel” (la liberté marchandisée) pour découvrir “l’amour sans payer” (la vraie liberté).
Ainsi , dans une logique implacable, nous prostituons notre liberté et ne la respectons pas plus qu’un sac de riz ou de pommes de terres. Inversement, nous nous prostituons pour pouvoir nous la payer . Nous convertissons nôtre liberté en esclavage, nôtre esclavage en argent, puis notre argent en libertés “d’usine” dans un mouvement circulaire permanent, d’où l’expression :“c’est quoi ce bordel?” célébre dans les unités de montage et de travail à la chaine.

Lorsqu’on dit “la liberté de l’un s’arrête la ou commence celle de l’autre” il y a un coup de frein et une violence dans le verbe “s’arrête”. On dirait une recommandation à un enfant turbulent et belliqueux. La liberté commencerait-elle d’abord par s’arrêter ? 
Pas si vite! commençons par commencer , on a toute la mort pour s’arrêter!

La liberté de l’un commence là ou elle se mêle aux autres libertés, il suffit de voire la puissance des manifestations depuis le 22 février pour s’en rendre compte.. 
-La liberté ne s’arrête pas, elle est infinie dans l’espace, dans le temps et dans les coeurs. Les poètes et les philosophes lui attribuent des adjectifs allant de l’immensité, au bonheur, à la dignité, au détachement, au courage, en passant par le risque ou la menace qu’elle peut également représenter pour les tenants du pouvoir et de la domination. 
La liberté est la capacité des hommes et des femmes à agir sans entraves ni obstacles. c’est la forme naturelle, intuitive et intrinsèque de la souveraineté.
La liberté se construit avec l’autre. C’est ce qui la nourrit et la renforce au fur et à mesure que les hommes et les femmes se libèrent. C’est une quête plusieurs fois millénaire qui ne s’arrêtera jamais . La liberté est comme la constitution, elle doit évoluer, être mise à jour, et s’adapter aux besoins des nouvelles générations.
Dans un groupe d’individus, c’est à dire ailleurs que dans un grand espace vide, la liberté est la somme des libertés et non un ensemble de cloîtres dans lesquels chacun serait libre à l’abri des autres. De cette addition de libertés résulte la liberté collective qui dépend toujours du contexte socioculturel et de la capacité du groupe à intégrer les libertés individuelles des éléments qui le compose. 
Ainsi, on trouvera presque toujours plus de liberté dans une grande ville que dans un petit village, car la concentration des personnes et des libertés y sera aussi importante que contagieuse, en plus de l’anonymat urbain qui multiplie et entraîne les libertés entre elles. A l’opposé , certains groupes choisissent de vivre une grande liberté en communauté fermée ou à l’écart (les sectes , les hippies, certaines ethnies, etc…).
Ils sont de ce fait beaucoup moins contagieux et se protègent également de la contagion contraire.
“La liberté de l’un s’arrête la ou commence celle de l’autre”
-Qui sont l’un et l’autre? 
-Personne d’autre que vous et moi. Des citoyens à qui on inculque les lois de la servitude, les usages de la subordination, et plus généralement, les bases du libéralisme mondialisé déguisées en vieux proverbes universels. Les plus riches quant à eux, ne sont pas concernés par “l’un et l’autre”. Ils ont les moyens de se payer des havres de liberté et de fastes à l’écart ou à l’abri des “uns” comme des “autres” et pour cause; il leur est impossible malgré leurs fortunes, de se sentir libre dans une société qui ne l’est pas. Le club des pins en est une parfaite illustration, et les clubs ne manquent pas. 
pour un système politique tel que le nôtre, cloitrer les libertés consiste donc, à éviter qu’elles ne se rencontrent et ne s’additionnent. On pousse les algériens à se cacher les uns des autres en entretenant un ordre moral, politique, conservateur et religieux qui exerce une pression dite” sociale “sur les individus, les poussant au renfermement et au secret . Ce genre de pression représente tout ce qu’il y a de plus anti-social et de liberticide.
Les libertés lorsqu’elles sont clandestines, tues ou confinées, se propagent plus difficilement et perdent leur effet de contagion et leurs propriétés complémentaires naturelles. Elles deviennent sourdes, aveugles et muettes et peuvent même, dans certains cas de manipulation, se combattre et devenir liberticides entre elles. C’est ainsi qu’un peu partout dans le monde, on oppose la liberté d’expression à la liberté de penser. Vous avez le droit d’avoir n’importe quelle opinion, mais pas n’importe quel propos. Même les pays les plus libres ont des tabous, des mythes fondateurs et des lignes rouges dites infranchissables qu’on nomme pompeusement: constantes de l’état (l’histoire, les légendes, les héros, les guerres, les empires, les religions, les traditions etc…). Autant d’éléments dogmatiques mortifères et figés qu’on installe en nous pour nous neutraliser.
Ce sont là, les piliers psychologiques de toute domination dont 
la liberté collective constitue le pire et le plus ancien ennemi, parce qu’elle prend politiquement, géographiquement et physiquement sa place. 
Plus les libertés s’additionnent entre elles, plus la domination faiblit. 
C’est simple comme pousser une voiture à plusieurs.

Dans cette révolution, nous nous sommes rendu compte pour beaucoup, que malgré nos avancées significatives, nous ne pouvions pas aspirer à la liberté réelle avant d’avoir fait libérer ceux qui ont été emprisonnés à tort pour leurs opinions. Comment continuer à marcher pour la liberté , en laissant d’autres mourir ou être enfermés pour cette dernière?
Nous sentons à présent, plus que par le passé, qu’il est également impératif de libérer les détenus d’opinion oubliés qui se meurent en chacun de nous et nous rendre à l’évidence: il nous est impossible d’aspirer à la liberté en tant que peuple avant de nous libérer de nos propres verrous de l’esprit. 
Nous souffrons tous d’un même emprisonnement, et comme dans une prison, nous nous affrontons quotidiennement entre “détenus” au lieu de nous unir contre ceux qui nous ont mis en détention. Certains disent être “effrayés par ce peuple”. ils disent qu’il est aussi arbitraire et brutal que le pouvoir, ou encore, qu’on n’a que les dirigeants qu’on mérite . 
A l’identique, beaucoup de prisonniers vous diront que le danger vient des autres détenus, et que la prison en soi, devient avec le temps et l’habitude, un repère et un pays malgré l’absence de liberté.

Exigeons la libération des détenus d’opinion comme préalable à toute transition politique!
l’intransigeance est de mise et nous misons gros!
l’Algérien est épris de liberté. Son pays est vaste et sa vue illimitée. Parfois je me dis que la beauté de cette étendue pallie à la liberté qui nous manque, autant qu’elle la nourrit en nous. 
Si Alger redevient peu à peu la capitale révolutionnaire et politique qu’elle fut par le passé, stockholm reste à ce jour hélas, la capitale syndromique de l’Algérie.
Si kamaleddine fekhar (qu’il repose en paix ) est décédé des suites d’une grève de la faim, notre révolution elle, risque de mourir d’une grève de la liberté si nous ne nous libérons pas de nos atavismes aliénants. 
Bonne marche et vive la révolution!

Amazigh Kateb in Facebook 06/06/2019

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